Nous sommes du bon monde

Bonjour,

Il s’est trouvé quelques personnes de vous pour s’inquiéter de ma pâte. Je vous rassure, malgré un temps froid, elle a finalement levé et j’ai pu amener quelques pâtisseries à la cannelle à mon groupe ce matin. Je pense que la chaleur de notre groupe a compensé pour la froideur ambiante. Parce qu’il y a quelque chose de chaleureux au sein de notre mouvement, une énergie qui fait du bien et qui va bien avec les petites douceurs à la cannelle.

Je réfléchissais à ce que je pouvais bien vous écrire aujourd’hui et je me suis dit qu’il était dommage que les membres du conseil des gouverneurs ne profitent pas vraiment de cette chaleur qu’apporte la collégialité… celle entre les membres de notre syndicat, vous aurez compris… Et je me suis dit qu’il faudrait bien la présenter aux gouverneurs. Comment m’y prendrais-je? Je pense que j’aurais le goût de leur dire :

Chères gouverneures, chers gouverneurs, j’espère que vous vous portez bien. Je ne sais pas si vous le savez, mais il y a grève à l’Université Sainte-Anne. Je vous pose la question, car vu la manière qu’a l’administration de ne pas communiquer sur les dossiers importants, je me dis que vous ne le savez peut-être pas. Pouvez-vous croire que l’administration ne juge pas trop important de communiquer avec nous au sujet de ce qu’il faudrait faire à l’Université depuis le début de la pandémie… Des décisions sont prises sans nous consulter. Que pouvons-nous bien savoir des besoins des étudiants et des étudiantes, nous qui les fréquentons au quotidien?

Le moral est bon. Nous sommes de nature positive. Je pense que nous tenons ça de l’énergie de nos étudiantes et nos étudiants. Il faudrait bien venir nous rendre une petite visite, je pense que vous auriez plus de plaisir qu’aux réunions du quatrième. Nous avons notre franc-parler, ça vous changerait des ennuyeux rapports trafiqués qui sont construits pour vous rendre heureux et vous conforter dans l’impression que tout va pour le mieux à l’Université.

J’ai une idée (oui, ça vous surprend peut-être, mais il m’arrive parfois d’avoir des idées). La prochaine fois que vous viendrez à Pointe-de-l’Église pour une réunion de conseil, ne montez pas trop rapidement au quatrième, ou ne vous y attardez pas trop longtemps après la réunion. Ou ceux et celles qui habitent la communauté, ne passez pas trop rapidement devant l’Université. Venez nous voir sur les étages inférieurs. Je pense que vous apprendrez beaucoup plus sur notre institution que dans ses lignes comptables, vous y verrez la passion que nous mettons à faire notre travail, le sérieux que nous prenons à la réalisation de nos tâches et notre vision d’une université en santé.

Par exemple, vous apprendrez que l’enseignement ne se limite pas à compter le nombre d’étudiants et d’étudiantes. Ce n’est pas qu’une statistique. Avez-vous déjà parlé avec un prof de cette étudiante timide en situation d’échec en début de parcours qui, à la fin de ses années d’études, était de venu une jeune femme confiante avec une moyenne de B? La fierté que ce prof ressent de cette réussite. Avec cette prof qui a accompagné un étudiant aux prises avec une légère dépression due à la pandémie et qui aura su dire les bonnes choses pour qu’il aille chercher l’aide pour s’en sortir… Avec les profs du secteur collégial qui sont épuisées, mais qui trouveront encore l’énergie pour vous parler de la satisfaction de voir leurs étudiants et étudiantes traverser avec succès leur stage… Il y a tant d’histoire sur nos étudiantes et nos étudiants que nous pourrions vous raconter. Peut-être avez-vous vous-mêmes été de ces étudiants et de ces étudiantes dans un passé pas si lointain!? Nous ne pourrions pas vous dire si tel étudiant ou telle étudiante était le numéro 393 à l’inscription, ou la statistique de réussite ou d’échec dans laquelle il ou elle entre, mais nous pourrons vous dire qu’il ou elle était un être humain drôlement intéressant avec ses défis et que nous avons été privilégiés de les accompagner pour le meilleur et pour le pire. Venez rencontrer les professeurs et les professeures qui sont à l’université depuis plus près de 30 ans, vous verrez dans leur récit la même énergie, la même passion, que chez les nouveaux profs qui découvrent encore les angoisses d’une salle de classe.

Vous apprendrez aussi que la recherche n’est pas qu’une question d’argent, de subvention et de fonds immobiliers, même si cette partie nous préoccupe toujours. Si vous écoutez un peu les profs parler de leur projet de recherche, vous verrez qu’il ne s’agit pas vraiment d’un travail, mais d’une véritable passion. Car nous ne passons pas des années sur un livre, des mois sur un article ou une communication juste parce qu’on est obligé de le faire, mais parce que nous avons plaisir à apporter une contribution au savoir qui ne se compte pas toujours en argent. Saviez-vous que mes collègues Louise Fontaine et Désiré Nyela ont récemment fait paraître chacun une monographie? Vous devriez les entendre parler de leur ouvrage, la passion avec laquelle il et elle vous raconteront les jours de pages blanches, la consultation des nombreux documents de recherche, les heures d’écriture, de révision et de réécriture. Venez écouter les profs sur leur sujet de recherche, sur le rôle d’assistants des étudiants et des étudiantes, sur la progression de leur pensée, sur la fréquentation des terrains de recherche, sur la rencontre de la population qui répondent à un sondage de sociologie ou d’élèves du secondaire pour un projet en éducation. Les profs vous parleront de l’importance que jouent les bibliothécaires qui les aident à remplir tellement de trous. Le nombre d’ouvrages que je pensais qui n’existaient plus et que les bibliothécaires ont réussi à trouver dans un coin sombre du deuxième sous-sol de la bibliothèque de l’Université Laval. Je pense à ce petit mémoire écrit par une sœur de Moncton dans les années 1960 que personne n’avait consulté depuis la même époque.

Dans les étages inférieurs, vous pourrez aussi en profiter pour jaser un peu avec nos étudiantes et nos étudiants, avec les concierges, avec la dame du magasin campus, avec les employé.e.s de la cafétéria (bon, du moins avec les employé.e.s que l’administration n’a pas encore congédié.e.s pour sauver un peu d’argent), bref, avec ceux qui font l’Université Sainte-Anne.

Je pense que vous pourriez apprendre beaucoup! Évidemment, vous apprendrez sur le plan des connaissances qui s’enseignent et se développent à l’intérieur des murs de l’université, mais aussi sur la véritable nature de l’université. Cette nature n’est pas chiffrable, elle n’est pas une statistique, mais elle est palpable, elle est l’essence de notre mode de vie universitaire, elle est ce pourquoi nous nous battons. Profitez-en aussi pour rester quelque temps dans la communauté de Clare, car elle fait partie aussi l’expérience de l’Université Sainte-Anne, vous y trouverez une communauté dynamique, accueillante, intéressante, vivante. Si vous pouviez amener avec vous certains de nos administrateurs qui désertent souvent vers d’autres villes! Je pense que ça doit être à cause de l’air du quatrième étage. Il ne doit pas être bon à respirer. Peut-être faudrait-il leur faire des bureaux dans les bas niveaux de l’Université? Ils retrouveraient peut-être un certain plaisir à vivre l’expérience Sainte-Anne.

Alors, vous qui avez un véritable pouvoir à l’Université, venez nous voir, nous pouvons être rudes dans nos propos, mais nous sommes du bon monde! Vous nous trouverez facilement, j’en suis certain. Ces temps-ci, nous nous tenons sur le trottoir en face de l’Université Sainte-Anne. Vous savez où elle se trouve?

Un gréviste