Portrait de prof – Solidaire contre la précarité

Secteur universitaire

Nom : Louise Fontaine, Ph.D.

Membre du corps professoral à l’Université Sainte-Anne depuis plus de 25 ans

Mes débuts à l’Université Sainte-Anne

Je suis arrivée à l’Université Sainte-Anne en janvier 1994 au milieu d’une année universitaire en remplacement d’un professeur qui était en congé de maladie de longue durée. On m’a proposé un contrat de 4 mois pour enseigner 4 nouveaux cours. Après avoir sérieusement négocié pour la durée de ce contrat, je me suis finalement vue proposer un contrat de travail à terme fixe de 18 mois. J’arrivais à l’Université Sainte-Anne après avoir complété un postdoctorat à l’Université de Montréal et avec un livre en main, publié l’année précédente. Ce contrat de travail n’a pas été reconnu de sorte que l’obtention de la permanence d’emploi a été obtenue seulement 5 ans plus tard. Maintenant, les professeurs de l’Université Sainte-Anne ne peuvent espérer une permanence d’emploi (tant dans le secteur collégial qu’universitaire) qu’après plusieurs années de service. Selon notre convention collective en vigueur, le cumul de contrats à terme fixe ne réduit pas le processus entourant l’obtention d’une permanence d’emploi.  

Votre souhait pour l’avenir de l’Université Sainte-Anne 

J’ai plusieurs souhaits, mais si je me limite à identifier l’un d’entre eux, il est relatif à la relève, c’est-à-dire le renouvellement du corps professoral afin de préserver et même promouvoir encore plus le caractère universitaire de notre institution. J’observe que l’avancement de carrière, c’est-à-dire l’accès à des promotions associées à une augmentation salariale, est à réformer en profondeur. Il y a trop de précarité, surtout pour les femmes rattachées au secteur collégial. Le roulement du personnel enseignant est réellement problématique, car pour de nouvelles recrues dans notre système il y a tant à apprendre pour s’investir à fond dans des tâches multiples associées à la fois à l’enseignement, à la recherche et aux services à la communauté. L’Université Sainte-Anne veut offrir des programmes d’études de qualité alors il faut mettre en place des conditions de travail favorables pour réaliser de tels objectifs.  

Pourquoi faire la grève? 

Je suis solidaire au mouvement de grève, car il est plus que nécessaire d’améliorer nos conditions de travail. Depuis quelques années, environ depuis 2015, notre clientèle étudiante a considérablement changé et elle s’est grandement diversifiée. Nous avons de plus en plus d’étudiants et d’étudiantes qui arrivent de l’extérieur du Canada. Cette situation est un plus pour notre institution, mais elle implique aussi de jongler avec une plus grande complexité au travail. Par conséquent, dans mon enseignement et aussi dans l’avancement de mes projets de recherche, il y a eu un cumul progressif de tâches à accomplir sans que je n’obtienne les ressources requises pour y faire face. La pandémie a exacerbé cette situation. Nous avons augmenté le nombre de chargés de cours dans notre département et aussi dans d’autres départements, ce qui a eu pour conséquence que les étudiants et étudiantes ont peu à peu et subtilement reçu un enseignement de moindre qualité. De nombreux ajustements s’imposent donc dans notre future convention collective pour corriger ces irrégularités. La bureaucratisation de notre système est aussi un problème de taille qui affecte notre quotidien au travail. Il y a trop de règles administratives, dont certaines ne sont pas appliquées strictement, et d’autres qui laissent place à un peu trop d’arbitraire.

Quelques beaux souvenirs depuis mon arrivée à l’Université Sainte-Anne 

Ils sont très nombreux, ces beaux souvenirs, car je suis encore professeure dans cette institution qui me tient à cœur. Oui, j’ai pu poursuivre mes projets de recherche, mais assurément contre vents et marées! La permanence d’emploi obtenue en 1999 est un beau souvenir, la publication d’un livre #2 en août 2021 en est un autre. Mes beaux souvenirs avec les étudiants et les étudiantes sont très nombreux, trop nombreux pour les présenter ici. Il en est de même en ce qui a trait à mes relations de travail avec mes collègues. Qui sait, dans quelques années, je me lancerai peut-être à nouveau dans une réflexion théorique sur la bureaucratisation et la managérialisation de nos universités en m’inspirant de mon expérience subjective dans un tel système, qui vise d’abord et avant tout à former les jeunes d’aujourd’hui qui deviendront ceux et celles qui nous gouverneront demain!